Jean-Pierre Decot, Tamboureur et Borain dans l’âme

Tamboureur et Borain dans l’âme – Rencontre avec Jean-Pierre Decot.

Si le folklore du gille est propre à la région du centre, il a su depuis longtemps s’exporter et susciter des vocations au-delà de notre région et ce y compris dans le borinage où nous allons aujourd’hui à la rencontre de Jean-Pierre Decot.
Le tamboureur, cet homme avec lequel le Gille, Paysan, Pierrot, Arlequin, Marin,… entretien ce lien tout particulier. Il n’est pas seulement son accompagnateur du tout petit matin jusque tard dans la nuit… Non, il est bien plus !
Il est bien souvent un complice, un ami, un membre de la famille durant les quelques jours qu’il partage avec lui.
L’homme traîne derrière lui non loin de 50 années durant lesquelles il a mis son tambour au service de nos carnavals, autant de souvenirs et anecdotes à nous conter… Mais laissons-lui la parole :

Jean-Pierre la parole est à toi, nous te laissons te présenter.
JPD : Originaire de Jemappes, j’y ai grandi et y suis toujours un borain dans l’âme quoi. J’aurais prochainement 60 ans et presque 50 années de tambour.

Comment en es-tu venu à jouer du tambour, auprès de qui t’es-tu formé ?
JPD : J’ai tout d’abord été gille, je n’avais que quelques mois et je le suis resté jusqu’au moment où j’ai commencé à jouer, c’est-à-dire vers l’âge de 11 ans.
J’ai eu comme professeur Simon Lassois, lui aussi originaire du borinage, dès que j’ai eu acquis un niveau suffisant j’ai débuté à ses côtés à Binche, il jouait pour la société des Arlequins.

Tu nous en dis un peu plus sur ton parcours carnavalesque ?
JPD : Lorsque Simon Lassois, mon professeur, a pris sa retraite, j’ai fait la connaissance de Jean-Marie Boone, chef de batterie aux Princes d’Orient, j’y ai joué 7 ans.
Plus tard je suis devenu moi-même chef de batterie à Nivelles, c’est là que j’ai fait la connaissance de tamboureurs comme par exemple Fabien Rouzé et Georges Dheulin.
De fil en aiguille j’ai intégré la batterie des Petits Gilles à Binche dont Georges Dheulin était chef avant qu’il ne parte pour rejoindre la batterie de Philippe Baudelet, c’est Jean-Luc Putman qui a pris ensuite sa place. J’y ai joué aux côtés de Frederic Rouzé, Vincent Vilain, Philippe Woutquenne, …
Par la suite avec Frederic et Vincent nous sommes partis jouer pour les Indépendants de Binche.
Et puis Fabien Rouzé m’a proposé d’intégrer sa batterie, c’était le début de très belles années.
Au long de mes années de tamboureur j’ai joué à Binche, Nivelles, Haine-Saint-Pierre, Bracquegnies, La Hestre, La Louvière, Carnières, Bray, Jemappes, Le Roeulx, Marchienne-au-Pont, Mouscron, ….

Quel montage affectionnes-tu pour le tambour ?
JPD : Clairement le 4/1, à chacun son montage et ses goûts mais c’est pour moi le son qui remplis, qui englobe, il est je pense plus musical et en harmonie avec la musique.
(NDLR : pour celles et ceux qui ne connaissent pas nécessairement le vocabulaire autour du tambour, on parle de 4 /1, 4/2, 3/1, …. Ce qui correspond à l’épaisseur des peaux supérieurs et inférieurs du tambour et qui définis la sonorité)

Que représente à tes yeux jouer dans nos carnavals ?
JPD : C’est une passion énorme, un amour même !
Mais maintenant place aux jeunes, quand je vois les « gamins » qui ont débutés avec nous c’est un réel plaisir et une fierté de regarder les bons tamboureurs qu’ils sont devenus.

Une belle carrière derrière toi donc !
Y a-t-il des choses que tu as vu évoluer dans le monde du carnaval et plus particulièrement celui du tambour et quel regard poses-tu sur cette évolution ?
JPD : On pourrait dire ça !
J’ai débuté à une époque où l’on trouvait encore sur le pavé de sacrés batteries telles que les Ptits Côs, les Clara, les Brulez, les batteries d’Armand Bougard, Michel Denis, Philippe Baudelet, Basselier,…
Des batteries du tonnerre qui alliaient puissance et finesse, mais aussi des tamboureurs souvent déjà d’un certain âge.
Aujourd’hui je suis assez content de constater le rajeunissement des batteries, mais ce que je déplore par contre c’est cet esprit de « copinage » où un chef de batterie cherchera plutôt à s’entourer d’amis que des meilleurs éléments, et ça se fait parfois au détriment de la qualité.
Une chose à déplorer aussi est la disparition des « marqueurs » au sein des batteries.

Tu évoquais les jeunes, as-tu formé de jeunes tamboureurs ?
JPD : Oui j’ai eu l’occasion d’en former et j’ai eu la chance d’en avoir un ou deux très bons avec lesquels par ailleurs nous avions remporté le 1e prix tambour et le 2e prix à la caisse lors du concours Pascal Sablon à Nivelles…. C’était il y a 5 ou 6 ans
Actuellement je forme de jeunes tamboureurs à l’école de tambour de Basècles, j’y ai une douzaine d’élèves.

As-tu des enfants, une relève assurée ?
JPD : Oui j’en ai 7 (rire), 3 garçons et 4 filles, parmi mes fils, Steve, l’un des ainés joue occasionnellement du tambour, uniquement en ramassage mais sans plus, et dans les plus jeune mon fils Jorisson, 12 ans, qui lui poursuit son bonhomme de chemin à la caisse.

Tu es toujours « sur le pavé » ?
JPD : Actuellement j’ai conservé les carnavals de Jemappes et Basècles, les années passées sous la pluie, la neige et le gel ont eu raison de moi et je souffre aujourd’hui de polyarthrite, alors tout doucement….

Une carrière de tamboureur, on le sait, c’est aussi l’occasion de vivre et partager des moments parfois cocasses, as-tu une anecdote, un souvenir à nous faire partager ?
JPD : Oh ça de bons souvenirs je pourrai t’en conter jusqu’à demain !
Un souvenir mémorable à La Louvière durant le Laetare, il devait être 2h du matin et il gelait à pierre fendre, la société était arrêtée sur la place Mansart et la batterie est rentrée au café « Le coq wallon ». C’était Olivier Moreau qui tenait la cagnotte et approchant du bar il voit 2 plateaux remplis de verres de peket, il devait y avoir pas loin d’une trentaine de ces petits gobelets par plateau et c’est là qu’il a eu la brillante idée de négocier les plateaux avec le patron… Notre tête quand il est arrivé avec sa soixantaine de verres. Mais nous les avons vidé ! (rire) Je ne saurai te dire pourquoi mais ce souvenir en particulier m’est resté gravé tant l’ambiance était extraordinaire. Après ça nous étions prêts à poursuivre jusqu’au bout de la nuit (rire) !
J’ai vraiment vécu de très beaux moments tout au long de ma carrière, mais c’est en particulier avec les Indépendants de La Louvière que je conserve de magnifiques souvenirs, un coup de cœur pour cette société.

Je te remercie Jean-Pierre d’avoir partagé avec nous ta passion et tes souvenirs, tu souhaites ajouter quelque chose ?
JPD : Comme tout le monde je pense, j’espère que 2022 sera l’année où on pourra tous se retrouver, espérer le retour des carnavals.
J’en profite pour saluer les amis, connaissances au travers des carnavals avec tout spécialement mes amitiés aux Indépendants de La Louvière et en particulier à la batterie.

 

Interview réalisée par Grégory Machiels

Laisser un commentaire