Frédéric Rouzé, entre oranges et coups de baguettes

« De génération en génération, la famille Rouzé se passe le flambeau dans la batterie… »

Acteur incontournable de nos carnavals, le tamboureur est essentiel au bon déroulement des festivités. Aidé du batteur de caisse, c’est ensemble qu’ils donnent la cadence et le rythme au pas du Gille. Certains les préfèrent plus lents, d’autres plus rapides. C’est très souvent le dernier personnage à partir des lieux. Et parfois il est très tard! Ou très tôt! Ca dépend comment on envisage la tournure.
Frédéric Rouzé est loin d’être inconnu dans la région, ni dans le groupe FB :  et encore moins parmi les administrateurs du groupe… Puisque deux d’entre nous font le Gille aux Indépendants de La Louvière!

Frédéric, quelles sont tes origines, quel est ton parcours de tamboureur, quel est ton lien avec le folklore?
F.R: Nous sommes originaires d’Haine-St-Pierre ( les Pierrots) ,mes parents y vivent toujours d’ailleurs. Je joue du tambour depuis l’âge de 13 ans et j’en ai 48 donc ça fait 35 ans, j’ai joué jusqu’à 11 carnavals sur une même saison… C’était de trop !!! A l’heure actuelle, je joue encore 5 carnavals au tambour et comme chef de batterie. Et je fais le Gille à Leval aux Plapids, j’en suis même le vice-président. ( interview sur le groupe il y a quelques semaines )

Je pense que tu as appris en famille, n’est ce-pas?
F.R: Oui j’ai appris en famille car mon père (Jean Claude Rouzé) jouait déjà et mon frère(Fabien Rouzé) qui est 5 ans plus âgé que moi, avait commencé à jouer aussi donc ça c’est fait en famille tout naturellement.

Quel est votre style de jouage?
F.R: Notre style de jouage est un jouage en 4/1, à l’ancienne, principalement à « fla » car l’avant-midi est quasiment identique à celui des « Ptits Cos », c’est à dire qu’on ne fait presque pas de reprises.
Pour les airs en musique, ça ressemble également au jouage des Ptits Cos avec quelques petites adaptations personnelles.
Quand je dis à « fla », c’est parce qu’ anciennement les tamboureurs jouaient beaucoup plus en coup simple.

Où joues tu aujourd’hui?
F.R: Binche, La Louvière, Carnières, Jemappes et Le Roeulx

D’autres carnavals à ton actif dans le passé?
F.R: Oui, j’ai joué aussi à Haine-St-Pierre, Leval, Bracquegnies, Ecaussines, Godarvile, Seneffe, Besonrieux et encore d’autres lol…

Je pense que dans cette liste, tu as également joué avec Philippe Baudelet, autre personnalité dans le monde du folklore?
F.R: J’ai commencé à jouer très jeune avec Philippe Baudelet, mon frère jouait déjà 2-3 carnavals avec lui, et ironie du sort à La Louvière je jouais aux Amis Réunis à ce moment là. Je passais devant la maison de Philippe lors de mon ramassage, il m’a entendu jouer. Il cherchait des tamboureurs plus jeunes car à ce moment là il fallait enchaîner chaque semaine, soumonce le samedi et carnaval dimanche, lundi, mardi… Par exemple la 3ème soumonce de La Louvière suivi du carnaval de Leval pendant 3 jours.
Certains tamboureurs de sa batterie, déjà un peu plus âgés, ne savaient plus enchaîner cette accumulation d’heures toutes les semaines. C’est donc comme ça qu’il m’a demandé de les rejoindre.

Je pense que tu jouais juste à côté de lui, 2ème en partant de la gauche… C’est une expérience supplémentaire dans ta façon de jouer?
F.R: Oui j’ai joué la première année à côté de Luc Therace, et puis je suis parti 2ème à gauche près de Philippe.
Ça serait mentir de dire que non, car il a modifié le jouage et il avait une très bonne oreille. Et donc musicalement il a changé des choses et nous en avons tous profité. Il y a toujours du bon à retenir de ces années prestées…
On apprend toujours des petits trucs supplémentaires, il est toujours bon de prendre un maximum de conseils quand on a 15-16 ans.

Tu es donc chef de batterie dans les 5 carnavals où tu joues aujourd’hui?
F.R: Oui, tout à fait.

Quel est exactement le rôle du chef?
F.R: Le rôle de chef est plus une responsabilité qu’autre chose.
Car on a un jouage, une façon comme on dit et on inculque cette façon aux jeunes qui arrivent dans la batterie. Il faut avoir une bonne mentalité, être sérieux, poli, être respectueux et surtout honnête! Tout ça est un tout qu’il faut surveiller, et aussi diriger la batterie pour savoir quand on monte, on arrête etc…. Être également le relais auprès des sociétés, et si jamais il y a un problème… alors là c’est le chef qui doit intervenir pour faire une remarque ou un reproche à la personne concernée.
Mais je dis toujours que si tout le monde fait son boulot et est sérieux, mon rôle se limite à diriger la batterie niveau musical.

As-tu formé des jeunes tamboureurs?
F.R: À l’époque, c’est mon frère qui apprenait aux jeunes, mais s’il y avait une semaine où il était occupé, j’y allais à sa place.
Mais je n’avais pas beaucoup de temps avec mon travail à cette époque, pour entreprendre des cours régulièrement.

Tu as un fils Frédéric, une relève lol?
F.R: Non moi j’ai deux filles, mon frère a un fils( Vivian Rouzé ) et je suis son parrain.

C’est donc lui qui reprendra les rennes?
F.R: Oui, il est déjà chef de batterie à Nivelles avec une batterie de jeunes!

C’est important que ce poste soit transmis de génération en génération?
F.R: Ce n’est pas toujours le cas, il peut y avoir plusieurs choix pour remettre une batterie… L’ancienneté, le parti pris, la famille etc…
Ici c’est la famille, car ça a commencé avec mon père qui était chef de batterie à Haine-St- Pierre, puis mon frère a repris et a été chef dans plusieurs carnavals. Et maintenant c’est moi qui perpétue la tradition, donc ce sera la suite logique d’avoir mon filleul qui reprendra dans le futur.

Les tamboureurs avec qui tu joues, sont des copains musiciens, des amis de tous les jours?
F.R: Comme je l’ai dit plus haut, il y a les jeunes qui ont appris notre façon et qu’on connaît depuis leur tendre enfance, et il y a les copains avec qui ont a tissé vraiment des liens d’amitié depuis des années. C’est un peu comme si c’était des membres de la famille.

Quelle est la soumonce la plus difficile à jouer?
F.R: Elles ont toutes des caractéristiques différentes!
Mais je dirais que les premières soumonces en batterie ne sont pas faciles… Car on reprend tous… C’est là qu’il faut faire attention niveau cadence etc…
Et on roule tous les « avant-midi » du début à la fin, donc physiquement il faut être au rendez-vous, lol.

Ton week-end le plus éprouvant?
F.R: En premier celui de Binche…
Car il y a soumonce en batterie le samedi à Carnières, carnaval de Binche le dimanche, soumonce musique le lundi à Jemappes, et Binche le Mardi Gras… Jusqu’aux petites heures…
Ça ne fait pas beaucoup d’heures de repos! Mais à l’heure actuelle, je me fais remplacer le lundi à Jemappes pour être en forme le Mardi Gras!
Après, la 3ème soumonce à La Louvière et les 3 jours à Leval qui suivent. Avant de faire le Gille je jouais du tambour aux Plapids, et je quittais La Louvière pour venir directement à Leval… Pas évident non plus

Le plus beau à jouer?
F.R: Pour moi j’ai toujours dit qu’ils sont tous beaux. J’en ai jamais placé un au-dessus du lot…
Car il ont tous leurs spécificités, leurs traditions, leur folklore quoi…
Je me suis adapté à chaque carnaval donc je suis toujours content de jouer où que je sois…
Après, je pense que chaque tamboureur veut au moins jouer une fois à Binche et à La Louvière.

Leval, c’est celui du cœur quand même?
F.R: Oui maintenant que j’y habite et y fais le Gille, on va dire que c’est MON carnaval!

Cette année, je pense que tu as su jouer totalement le carnaval de Binche, tu as su faire le Gille à Leval et puis tout s’est arrêté… et on sait que 2021 sera copie blanche…Comment vis tu cette période?
F.R: Oui c’est ça j’ai joué Binche, et puis on a fait la soumonce générale à La Louvière et le carnaval de Leval. Et le jeudi on annonçait que les carnavals étaient annulés et qu’on était confiné…
Ça était un choc, car depuis 34 ans que tu fais ta saison de carnaval complète et que tu es habitué à retrouver tes Gilles, leur famille, les amis et copains … Ça fait un vide énorme…
Après vu la situation sanitaire en Mars ,c’était tout à fait compréhensible!
On espérait tous pouvoir reprendre cette saison et oublier tout ça. Mais non la 2ème vague est arrivée et tout c’est annulé de semaine en semaine.
Nous avons tout juste su faire une répétition en septembre (en respectant les mesures de sécurité sanitaire) pour dire de pouvoir se remettre dans le bain! Maintenant on s’est fait à l’idée, mais c’est sûr que ça ne va pas être facile quand on va reprendre. Si c’est en 2022 ça fera 2 ans pour certains carnavals…

Tu as des nouvelles des sociétés?
F.R: Oui j’ai eu des nouvelles des sociétés, nous avons eu des réunions pour certains carnavals et on avait tous envie que tout ait lieu. Mais vu l’ampleur des dégâts causés par le virus, qui devenait plus important qu’en Mars, c’était normal de ne faire quoi que ce soit…
La répétition que nous avons fait, était en collaboration avec la société des Indépendants de La Louvière. Certains Gilles sont venus écouter après de nombreux mois sans carnavals.
Ça nous a permis de maintenir un lien avec la société et les Gilles, membres etc… Et aussi de faire fonctionner un peu le commerce. Les cafetiers sont en train de traverser une période très compliquée avec le confinement.
On avait prévu le même à Binche, et ailleurs… Mais les mauvais chiffres nous l’ont interdit.

Tes instruments sont prêts pour le prochain rdv? Tu joues parfois chez toi?
F.R: Oui les tambours sont prêts, plus qu’un petit tour de corde et ça sera bon.
Je joue de temps en temps chez moi. Ç’est plus fort que nous quand c’ est la période. On aurait du avoir fait les soupers, répétitions…

On connaît les tamboureurs et leurs anecdotes, si tu devais en sortir une du lot???
F.R: Houla… Il y en a beaucoup… C’est très difficile de choisir….
Il y en a une qui reste ancrée dans ma mémoire!
C’est dans mes débuts, à Binche, nous étions en plein centre et la caisse se fait entendre. L’annonceur s’en mêle les pinceaux et annonce l’air du Mitant des Camps…. A Binche… Oups…

Tu prends plus de plaisir comme gille ou tamboureur?
F.R: J’aime les deux, il faut dire que comme mon père était chef de batterie à HSP, j’ai fait le Gille dès l’âge de 3 ans jusqu’à mes 13 ans. Et puis j’ai commencé à jouer et donc je n’ai plus fait le Gille. Mais j’ai toujours eu un manque et comme j’habitais Leval et que mes copains font le Gille aux Plapids, j’ai décidé après avoir reçu ma médaille de 20 ans de tambour de refaire le Gille. Ca fait 15 ans que je le refais…
L’amusement est différent entre être Gille et tamboureur… Mais les deux sont agréables!!!

Souhaites tu ajouter quelque chose?
F.R: Je voudrais dire à tout le monde de surmonter ces moments difficiles, et que les jours meilleurs reviendront. On pourra à nouveau en profiter toutes et tous ensembles, en attendant, serrons nous les coudes… (cafetiers, restaurateurs, indépendants, louageurs, musiciens tamboureurs, Gilles, famille, amis, sympathisants…) .Et je voudrais te remercier pour ta proposition d’interview Quentin. Merci à toi 😉
Quand tout sera fini j’espère qu’on pourra se retrouver et faire connaissance face à face et en boire une par la même occasion! 😉🍻

Q.B: Merci à toi Frédéric, et je ne raterai pas l’occasion de venir prendre un verre lors d’une soumonce ou autre.

D’autres tamboureurs seront interviewés, j’ai déjà quelques idées de noms. Rappelons nous, ils jouent parfois sous des conditions météorologiques très pénibles. Qu’il vente, pleuve, neige, gèle, ils enchaînent les  » avant- dîner « . Ce sont sûrement ceux qui feront le plus de kilomètres sur la journée. Ceux sont également eux qui passent le plus d’heures sur le pavé. Le Gille se lie souvent d’amitié avec le ou son tamboureur. Ils partagent ensemble les moments de folklore mais aussi les repas, les médailles, un verre, un simple fourire, une conversation…et parfois une amitié qui dure jusqu’à la fin! Leurs roulements nous donnent l’envie de nous dépasser en dansant encore et encore…

Quelques belles vidéos de la batterie Rouzé:

https://www.youtube.com/watch?v=lm-7452HRc8…
https://www.youtube.com/watch?v=mTmKLPUdYWM…
https://www.youtube.com/watch?v=m6mivtz_kAI…
https://www.youtube.com/watch?v=A7FnE9TJ0iw…

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