La société royale les Anciens Gilles du Fonds fête ses 160 ans !

Interview de Loris Resinelli

Flori Deprêtre affirmait, sans autre précision, l’existence du Feureu depuis 1783. Si aucun document ne vient confirmer cette hypothèse, en revanche, après la chute de l’Empire, il est attesté que des Gilles dansèrent dans la campagne de Haine-Saint-Pierre en 1816. L’envol définitif du carnaval dans la cité des Pierrots se produit en 1859 avec la création de la société des Vieux Gilles du Fond dont le premier local fut installé au café « du Carlî », exploité par Émile Dever. Parmi les principaux fondateurs : Julien Drugmand dit « Bèro, François Soulette, Adrien Outlet dit « Driyin Joli », etc… En 2019, la société, présidée par Jonathan Petit, porte allègrement son âge, et sa vitalité porte sa réputation extra muros. Rencontre avec Loris Resinelli, trésorier de la société dans laquelle il chausse les sabots depuis cinq ans…




Christian Quinet : Loris, de quelle région d’Italie ta famille est-elle originaire ?
Loris Resinelli : De la région de Brescia, en Lombardie. Mon grand-père est arrivé en Belgique après la guerre pour travailler au charbonnage, à la ville d’Houssu.

CQ : Comment as-tu été connecté au folklore ?
LR : J’avais 16, 17 ans, j’étais scout et nous organisions des événements en synergie avec les Gilles du Fond, nous étions donc liés dans le monde associatif et c’est ainsi, tout naturellement, que je suis devenu Gille. Je suis aussi chef d’une chorale.

Anciens gilles du fond - Haine-Saint-Pierre
Photographe : Yannic Photography.

CQ : Des événements particuliers sont-ils prévus à l’occasion de ce 160ème anniversaire ?
LR : Le 8 février, une réception aura lieu à notre local situé sur la place du Fonds et toujours tenu par le fidèle Gustave De Temmerman, épaulé, e.a. par Pascal Thomas, Gille aux Amis Réunis de La Louvière. Les autorités communales sont invitées à cette occasion. Nous avons aussi créé un nouveau logo. Et puis, le mardi soir du Feureu sera particulièrement animé dans le quartier du Fond avec notamment une pyrotechnie en rouge et bleu, les couleurs des Pierrots ! Notre local occupe une position stratégique importante, notamment aux deux moments les plus intenses du carnaval : le rondeau du dimanche matin et le brûlage des bosses le mardi soir.

CQ : Comment la société est-elle financée ?
LR : Comme il n’y a plus beaucoup de cafés, un accord a été conclu historiquement par l’Amicale : ils ne nous donnent pas d’argent mais ils paient les consommations de la batterie et de la musique. Nous sommes alimentés par des sponsors dont les principaux sont la société de construction RINADI et la Boucherie DEPREZ, située dans le haut de Baume. Nous tablons aussi beaucoup sur les bénéfices de nos organisations durant l’année. Elles sont les suivantes : 1er week-end de mai, repas brochettes ; le 21 juillet, Kermesse du Chef-lieu à la place Caffet de Haine-Saint-Paul ; concours de pétanque dédié à la mémoire de Marc Gallez ; souper répétition de batterie en novembre. Ajoutons-y bien sûr la mise du Gille qui, pour un adulte se chiffre à 135 € mais qui couvre les frais de repas du sociétaire lors du w.e. brochettes et du souper annuel.

CQ : De combien de Gilles se composent la société ? Combien de chapeaux ?
LR : Nous comptons 60 à 70 Gilles dont beaucoup de jeunes et le nombre de chapeaux oscille entre 15 et 20. Nous fonctionnons suivant le système de cagnotte de société qui offre une plus grande convivialité entre tous les membres.

Anciens Gilles du Fond - Batterie
Photographe : Yannic Photography.

CQ : Parle-nous maintenant de la batterie et de la musique…
LR : La batterie se compose de 7 tambours et une caisse. Les tamboureûs sont majoritairement carolos et cette batterie est celle des Pierrots de Binche. Elle est dirigée par Gauthier Minsart. Celui-ci joue aussi du fifre et anime ainsi avec cet instrument nos sorties des lundi et mardi matin. La musique est dirigée par Hugues Tahon et joue à La Louvière pour la société des Commerçants.

CQ : Être la plus vieille société… du monde finalement procure-t-il une aura particulière extra muros aux Gilles du Fond ?
LR (sans précision particulière) : Oui, certainement. Cette aura, nous la devons principalement à Jean-Pierre Blondelle, dévoué corps et âme à la société dont il fut président pendant 25 ans et dont il est actuellement président d’honneur.

CQ : Question délicate, sans vouloir rentrer dans les détails, le fait d’être conseiller communal constitue-t-il un atout pour défendre les valeurs folkloriques ?
LR : Oui, indéniablement, nous sommes plusieurs gilles parmi les élus et, chez nous, plus particulièrement, la présence du nouvel Échevin du folklore, Laurent Wimlot, constituera certainement un atout.



CQ : Le commerce a périclité à Haine-Saint-Pierre depuis la « stérilisation » de la gare au profit de celle de La Louvière-Sud, située, elle, dans un bled, commercialement peu attirant pour un investisseur.
LR : Oui, bien sûr, c’est un choix malheureux, d’autant que la gare est classée. Sa remise en fonction aurait relancé le commerce riverain et, à l’emplacement de l’ancienne Compagnie centrale, il était possible d’exploiter le terrain disponible pour en faire un vaste parking. D’autre part, en fonction de la plaque apposée sur le mur côté rue et qui rappelle la déportation, durant la guerre d’une dizaine de milliers de personnes pour le travail obligatoire en Allemagne, le plus bel hommage qu’on pouvait rendre à ces victimes du nazisme, c’était de maintenir la gare opérationnelle. Aujourd’hui, elle abrite Le Cercle d’Histoire Henri Guillemin et un club de modélisme ferroviaire.

CQ : Le mardi soir du Feureu, un moment fort pour les Gilles du Fond…
LR : C’est l’apothéose du carnaval. Le mardi, nous sortons en mam’zèles. La descente de la rue Haute est marquée par de nombreux airs de fantaisie, par des feux de Bengale et, pour la circonstance, nous accueillons parmi nous nos sympathisants, hommes et femmes costumés ; ainsi nous sommes environ 200 et l’ambiance est extraordinaire. Voilà pourquoi nous brûlons les bosses à 23 h. 30, ce qui paraît un peu tard mais les circonstances citées expliquent cet horaire et l’amusement au Fond se poursuit jusqu’aux petites heures. Mais le lendemain, mercredi, nous sommes nombreux aussi au raclot où l’ambiance improvisée constitue, en quelque sorte… un 4ème jour de Feureu !

Anciens Gilles du Fond - Chapeau
Photographe : Yannic Photography.

CQ : Une anecdote ?
LR : Les Gilles du Fond ont leur hymne. Sur l’air « Dj’âré in vélo », feu Marcel Meulemans avait recueilli de vieilles paroles d’un auteur inconnu où, sur le même air, les paroles deviennent « D’ f’ré lès Djîles ô Fond ». Nous jouons cet air chaque dimanche matin du Feureu, face à la Haine en nous rendant au rondeau, suite à une légende (ou réalité ? pas de preuve), évoquant un Gille qui aurait glissé accidentellement dans la rivière.

CQ : Combien de sociétés compte aujourd’hui le Feureu de Haine-Saint-Pierre ?
LR : Outre la nôtre, deux autres de Gilles, les Récalcitrants et les Sans souci, ainsi que deux sociétés de fantaisie : les Jeunes Pierrots et les Z’infatigables…

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Loris nous dira encore qu’il reste optimiste quant à la pérennité du Feureu de la cité des Pierrots. C’est notre plus cher souhait également. Le Mouchon d’Aunia remercie Loris Resinelli de lui avoir accordé cet entretien riche en informations et qui fera le bonheur de notre lectorat.
CQ

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