Des Paysans au-delà des remparts

Des Paysans au-delà des remparts – Rencontre avec Jonathan Pierrart, président des Paysans « Joyeux Drilles » d’Estinnes-au-Mont.

A peine avons-nous quitté Binche qu’à l’autre bout de la chaussée nous arrivons à Estinnes-au-Mont, village de +/- 2000 âmes.
Ici on s’amuse durant le carnaval, mais pour autant on ne plaisante pas avec !
Jonathan Pierrart est un jeune et dynamique président de 33 ans.

Jonathan, parle-nous de toi, de ta société et explique-nous ton parcours folklorique.
JP : Originaire de Croix-lez-Rouveroy mes parents sont venus habiter Estinnes-au-Mont alors que j’avais 2 ans, j’en ai aujourd’hui 33.
Les Paysans sont nés sur les cendres de la société des « Joyeux Drilles », société créer par Alain Griffon (+) il doit y avoir maintenant une petite trentaine d’années.
La société sortait travestie durant les jours du carnaval, elle a autrefois compté non loin de 50 membres. J’y ai occupé plusieurs postes de comitard, de président des jeunes à président en passant par secrétaire et trésorier.
La dernière année, la société était en plein déclin, nous avons décidé l’année suivante de créer les Paysans sur les fondations de la défunte société des Joyeux Drilles. D’une dizaine de travestis nous sommes rapidement passés à une trentaine de membres.
2021 aurait dû être une année particulière, celle du dixième anniversaire de notre jeune société, les circonstances en ont malheureusement décidé autrement.
C’est la batterie de Rudy Rogge depuis toujours et la musique de Johan Barbier depuis maintenant quatre ans qui font nous font danser.

Des Paysans oui, mais pourquoi ?
JP : La tradition !
Le carnaval d’Estinnes-au-Mont s’est toujours montré soucieux des traditions et je ne déroge pas à la règle. Soyons francs, une société de travestis n’a pas toujours été bien perçue par les autres sociétés Estinnoise, pour ça et d’autres raisons elle n’a pas toujours trouvé sa place au sein des rondeaux par exemple. Le Paysans nous a semblé être un choix judicieux.

A ce propos, régulièrement je remarque des sociétés de Paysans chaussant des sabots noirs…
JP : Pas chez nous, encore une fois nous avons fait le choix du respect des traditions, le Paysans est chaussé de souliers noirs.

Vous êtes une société mixte, pourquoi ce choix ?
JP : Parce que les Joyeux Drilles été elle aussi une société mixte, et nous n’avons voulu laisser personne sur le côté. De plus il est légitime, nous pensons, que les femmes puissent elles aussi trouver une place de choix dans le folklore.

Ta relation avec le folklore, pourquoi ne pas avoir fait le choix du gille ?
JP : J’ai été gille très jeune au carnaval de Croix-les-Rouveroy, ma famille l’était aussi. J’y ai fêté le carnaval jusque l’âge de neuf ou dix ans.
Comme nous étions venus habiter Estinnes, mes parents n’ont pas voulu que j’y sois gille…Esprit de clocher !
Ayant le folklore dans le sang j’ai fait le choix des Joyeux Drilles.

Comment se vit la saison carnavalesque chez les Paysans ?
JP : Hé bien nous avons notre répétition de batterie suivie par les soumonces costumées car nous ne sortons plus lors des soumonces en batterie. Ensuite viendront les deux jours de carnaval suivi d’un raclot au troisième jour.

La vie d’une société ne se limite pas aux soumonces et carnaval, des Paysans actifs hors saison ?
JP : Et comment !
Il y a pour commencer notre souper annuel qui a lieu désormais au mois de mai, notre challenge de pétanque en trois manches et qui donc occupe trois journées, la marche ADEPS que nous organisons le 15 août et rencontre une belle participation, notre sortie Halloween avec son cortège où tous les enfants sont les bienvenus, il se clôture par le brûlage de la sorcière et le feu d’artifice avant de terminer la soirée devant une bonne assiette de spaghettis.
Nous terminons la saison avec notre marché de Noël le troisième weekend de novembre, c’est tôt mais nous ne pourrions rivaliser avec d’autres gros marchés environnants.
Ah oui, nous participons également au Ricarnaval. Celui-ci est organisé entre sociétés des différents villages de l’entité, il consiste en un challenge de pétanque dont les différentes manches se déroulent à chaque fois dans un village différent. Cela nous permet de rencontrer les autres sociétés et c’est l’occasion d’échanger idées et points de vue.

Un solide comité pour gérer toutes ces activités ?
JP : Oui, mais très féminin (rires)
Une vice-présidente, une secrétaire, une trésorière et l’ensemble de mes comitard(e)s…Sans oublier l’aide précieuse de mon beau-père ainsi que de mon irremplaçable ami Tanguy notre logisticien hors pair.
(NDLR : Jonathan & Tanguy forment un inséparable et infernal binôme, et ce dernier est également le batteur de caisse de la société)

Un carnaval à Estinnes-au-Mont, comment et avec qui ? Des particularités ?
JP : Notre carnaval se déroule en trois jours, dimanche et lundi les sociétés arborent leurs costumes traditionnels et le mardi c’est le raclot.
Les sociétés folkloriques sont au nombre de quatre, deux sociétés de gilles, les Paysans mais aussi les Vîs Paltos, société typique de notre village.
Une tradition de notre carnaval est de « baptiser » le lion (rires), sa statue se situe derrière l’église et c’est un bon point de vue pour regarder défiler les sociétés, autrefois bon nombre de gens s’y abritaient des oranges, j’imagine que la tradition est restée ancrée.
Pour la particularité nous sortons en musique et oranges dès le dimanche après déjeuner, se forme alors un court cortège qui se terminera par un premier rondeau de l’ensemble des sociétés.
Une seconde particularité et non des moindres est qu’on ne brûle pas les bosses à Estinnes-au-Mont alors que cela se fait dans les autres carnavals de l’entité.

Une amicale des sociétés à Estinnes-au-Mont ?
JP : Effectivement nous avons aujourd’hui une amicale des sociétés carnavalesques et c’est une expérience très positive, nous y gérons en grande partie l’organisation des festivités, elle permet également de financer partiellement le feu d’artifice puisqu’il n’est pas intégralement pris en charge par la commune.

Jonathan, tu évoquais tout à l’heure les 10 ans de ta société, un anniversaire reporté à 2022 ?
JP : Par la force des choses, nous aurions dû le célébrer en 2021 mais d’une manière ou d’une autre nous marquerons le coup en 2022.

Deux années consécutives annulées, on le vit comment chez les Paysans ?
JP : Tristes évidemment, d’autant plus que la nouvelle de l’annulation du carnaval 2020 est tombée le jeudi soir alors que tout était prêt pour le dimanche, oranges, chapeaux, champagne… Un sacré coup de massue.

Comment appréhendes-tu l’après covid ?
JP : Encore une fois on essaye de se montrer optimistes, mais subsistent quand même pas mal d’interrogations, tous les membres seront-ils au rendez-vous après deux ans ?
Un carnaval nous le savons tous c’est un budget, quelle sera la situation entre pertes d’emplois, de revenus, mais aussi la vie économique ici à Estinnes.
Nous espérons néanmoins en des temps plus propices pouvoir organiser une activités festive en nous entourant de notre batterie et de notre musique, nous avions déjà évoqué cette éventualité pour 2020 mais les choses n’ayant pas évolué favorablement…

Merci à toi Jonathan de nous avoir fait découvrir ta jeune société à laquelle nous souhaitons encore de longues et belles années de plaisir, souhaites-tu ajouter quelque chose ?
JP : Vous dire à tous de prendre soin de vous et des vôtres, d’observer les règles afin que nous puissions tous nous retrouver au plus vite au son des tambours et partager à nouveau le verre de l’amitié… Et pourquoi pas un Dafalgan (rire).
(NDLR : Dafalgan : allusion à la couleur opaque et blanchâtre que prend le Cointreau au contact de la glace)
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